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miougrano "grenade fruit"

Miougrano « grenade fruit », vient du latin mille « 1000 » + granum « grain ».  Attesté déjà en ancien occitan: milgrano. 

D’après les données du  FEW1  miougrano  était courant dans tout le domaine occitan, mais le Thesoc ne l’a enregistré que dans les dép. ALPES-MARITIMES, ARIEGE, GERS, GIRONDE, HAUTE-GARONNE, LANDES, LOT-ET-GARONNE, PYRENEES-ATL. , et le TARN-ET-GARONNE.

Dans le Sud-ouest GERS, GIRONDE,HAUTE-GARONNE, LANDES, LOT-ET-GARONNE, PYRENEES-ATLANTIQUES. c’est le type grenada  qui l’a supplanté.

grenadier

L’abbé de Sauvages écrit dans son article Miougragnié  « grenadier »:

Les pépins de la grenade  sont raffraîchissants , son écorce et les balaustes 2 sont très astringeans & absorbans, on les préfère à la noix de galle pour les teintures en noir de la soie.

Étonné par cette dernière remarque,  j’ai trouvé qu’en moyen français migraine  désigne aussi « Étoffe teinte en écarlate » (DMF). J’aurai besoin de l’assistance d’un professionnel de la teinture des tissus à l’aide de produits naturels, pour comprendre le « noir de la soie ». Toutes les autres attestations parlent d‘écarlate.

La forme provençale migrano  devenue migraine « écarlat » a été prêtée au français du XVe au XVIIIe siècle , mais c’est pomme grenade  > grenade,  qui a gagné la place en français moderne.L’étymologie de migraine « écarlate » n’est pas la même que celle de miougrano.   Le mot grana signifie « teinture d’écarlate provenant de la cochenille »,  migraine   est une demie teinture, ce qui ressort de la forme en ancien béarnais  mieye-grane,  où  mieye  vient du latin medius « qui est au milieu ». FEW IV, 237a : granum

 

Commentaires des visiteurs:

Marjory Salles m’écrit :

Bonjour,

Teinturier de mon état, je serai ravie de vous apporter des précisions concernant la teinture du noir… L’écorce de grenade est très riche en tanin. Et c’est la réaction du tanin avec le fer qui forme un noir très solide. Pour la teinture textile, il s’agit de baigner le tissu dans un bain riche en tanin (décoction d’écorces). Ensuite, en passant ce tissu « tanné » dans une solution riche en fer, la couleur brune du tanin vire au noir.
C’est la même réaction qui est à l’œuvre dans l’encre noire tannique ou dans la production de bogolan africain !

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  1.   IV, 235a
  2. le nom de la calice de la fleur du grenadier

Enfalenar "empester; suffoquer; perdre halein...

Enfalenar « empester; suffoquer » est composé de en  et alenar « prendre haleine, respirer ». L’étymologie de alenar  est le latin anhēlare « respirer difficilement, émettre des vapeurs, exhaler » qui a subi tardivement, IXe-Xe s., une métathèse du -n- et du -l-  pour devenir alenare. 

L’article anhēlare du FEW étant en français, je  ne peux mieux faire que de le citer:

…les formes occitanes manifestent un croisement avec les représentants d’ *affanare dans le sens « peiner, se fatiguer; etc. »; la contamination a pu se produire avant la métathèse  anhelare > alenare (a), ou après (b); dans les deux cas, on note une série de préfixations (IN-, EX, Ø. Un rapport est possible avec la famille de centre affanné  « éssoufflé »…

Les formes du groupe a) mentionnées par le FEW, ne se trouvent que dans le dictionnaire de l’abbé de Sauvages (S2):  esfanélà « infecter, empuantir » et esfanélat « essoufflé, hors d’haleine ».

Le groupe b) , le type afalenà, se trouve principalement en languedocien, de l’Aveyron jusqu’à Toulouse : enfalenà « puer, exhaler de mauvaises odeurs ».  Composé avec ex-  est  esfolenà  « essouffler, mettre hors d’haleine » dans l’Aveyron, esfarenat « essoufflé » en Lozère, esfarena à St-Afrique.

esfaléna

esfalenat

Un autre dérivé de  anhēlare  avec le préfixe dés-, qui a abouti à desalenà « (faire) perdre haleine »  se trouve surtout dans le Sud-ouest, gascon, limousin.

 

 

Ussa,ussos "sourcil, sourcils"

Ussa,ussos « sourcil, sourcils », d’après le Thesoc le mot est courant  dans ALLIER, ARDECHE, AVEYRON, GARD, GIRONDE, HERAULT, INDRE, LOT-ET-GARONNE, LOZERE.  L’étymologie est inconnue 1. Une première attestation de 1611 vient du dictionnaire français/anglais de Cotgrave, l’excellent connaisseur de l’occitan.

D’après Alibert ussa  signifie aussi « visière ». Ussar « froncer les sourcils », ussejar « sourciller ». Il cite en plus un autre mot ussa  « luette » également d’origine inconnue.

En dehors de l’occitan, le type usse  se trouve en Saintonge, Poitou, le centre, disons au sud de la Loire. La remarque du FEW à propos de la carte de l’ALF, qu’il y a beaucoup de confusion entre le nom des « cils » et des « sourcils », n’est pas confirmée par les résultats donnés par le Thesoc, qui ne mentionne le type ussa « cils » que pour un village de l’Aveyron.

ussa perfacha

ussa du Moyen Age      ussa moderne

        ussa médiévale                                                          ussa moderne

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  1. FEW XXI, 298b

Galup, galupa "chaloupe"

Galup « petit bateau », et galupa « bateau plat servant au chargement ». sont des mots gascons. La première attestation en latin médiéval de calupus « bateau plat » date de 1242.

Le TLF donne l’information suivante à propos de l’étymologie du mot chaloupe:

Les rapports de chaloupe avec le type ancien gascon  calup, galup (depuis le xiiie s. dans  FEW, XVII., p. 83b) sont obscurs : au cas où les 2 types seraient apparentés, la 2ehypothèse , à savoir que le français chaloupe  serait un emprunt au néerlandais sloep. serait à écarter.

Mais le mot néerlandais sloep « bateau plat » reste un problème selon le TLF :

Pour des raisons phonétiques, il semble difficile d’admettre avec FEW et Bloch.-Wartburg.5 un emprunt du néerlandais  sloep au français; le néerl. serait à rattacher au verbe sluipen « se glisser, se couler » (De Vries Nederl. et De Vries 1970).

Pourtant le nouveau grand dictionnaire étymologique du néerlandais, le NEW  maintient l’origine française du mot avec de forts arguments, et ne voit pas de problème phonétique.  Je ne donne ici que les plus anciennes formes en néerlandais :  » sloepe, sloepken « petit bateau » (1588; Kiliaan.), chaloupe, saloupe (1600).  L’évolution phonétique chaloupe > *chloupe > sloep  est tout à fait normale et régulière.  D’ailleurs la  plupart des formes germaniques comme l’allemand  Chaloupe 1648, Kluge20, et l’ anglais shallop 1578, NED sont empruntées au français. Cf. aussi l’espagnol chalupa, et l’italien scialuppa.

galupa_chaloupe

D’après le FEW l’origine est le mot francique *skala « coquille, écaille » qui en gallo-roman a eu un très riche développement, pensez par exemple à calotte.   Il reste pourtant la forme gasconne calupa qui est la plus ancienne et qui ne trouve pas d’explication pour le moment.  La consonne initiale dans toutes les autres langues est  ch-: basque tšalupa, breton chalop, allemand Schaluppe.


Couté negre "cous noirs"

Couté negre « cous noirs » est le sobriquet des habitants de Marguerittes (Gard) et de Saint-Laurent d’Aigouze   Languedocien couté, provençal coutet  est un dérivé de còta « nuque » attesté en ancien occitan et par Mistral;  à Nice couòta « nuque ». 1   L’étymologie est le grec κóττη « tête » ou plutôt κóττις « tête, nuque ». Il est  probable qu’il s’agit d’un mot que nous avons hérité directement des colonies grecques dans le Midi et qu’il ne s’agit pas d’un emprunt savant par les médecins.

L’association des ainés à Marguerittes s’appelle  Li Couté Negre  ce qui montre que le mot est encore vivant chez nous.   Il ne s’agit pas d’un sobriquet des miniers, mais des vendangeurs,   qui avaient toujours la nuque au soleil.

coto Mistral    vendangeurs, la nuque au soleil

On trouve cette famille de mots surtout  à l’est du Rhône jusqu’en Franche-Comté.  Le même étymon est à l’origine  du sicilien  cozzu  « nuque », du napolitain cozze et de l’espagnol cuezo.

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  1. Achard cite en plus les cots  « les goîtreux » pour les habitants de Cahuzac-sur-l’Adour (32), les cots gros « goîtreux » pour les habitants des Hautes Pyrénées et les cots longs pour les habitants de Séméacq (64). Il n’est pas clair à quel étymon il faut les rattacher

Veri, verin "venin, poison"

Veri   « venin; poison »  (Sauvages S1) vient du latin venenum « toute espèce de drogue; poison; breuvage magique; teinture »1 . En provençal et est-languedocien verin  signifie au figuré « haine; rage, dépit’.

venin     poison

Le plus intéressant est le fait que l’abbé explique aux Languedociens qu’en français on dit venin  des animaux et le poison qu’on tire des plantes et des minéraux. Cette distinction n’existait donc  pas en languedocien à son époque.  Ce n’est qu’en lisant cette remarque que je me suis rendu compte qu’elle n’est pas universelle d’ailleurs.  En allemand les deux sont Gift, en néerlandais  gift, en espagnol veneno, mais l’anglais distingue bien le venom  du poison.

En occitan comme en français le mot a gardé toutes les significations du latin  jusqu’à la fin de Moyen Age. A partir du XIVe siècle, le sens de venin se restreint en français en tout cas. La remarque de l’abbé de Sauvages montre que  le Languedocien n’avait pas encore suivi Paris.  Il parle du véri dé nouzé le « brou de noix » et il écrit que ce veri était  utilisé pour faire sortir de vers de la terre en jetant  une décoction  à terre.

Le plus remarquable est le fait que dans  veri  dé nouzé, véri  a gardé le sens du latin venenum« teinture ».

Ci-dessous une noix dans son brou éclaté. On extrait de cette enveloppe une teinture (le brou de noix) utilisée notamment en peinture (lavis) et en menuiserie. (Wikipedia)

     

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  1. Selon Douglas Harper, le sens originel de venenum   serait  « potion d’amour » et lié à venus  « amour érotique ».

Verna, vergne, verne "aulne"

Verna, vern, vergne, verne « aulne; bois d’aulne » est un des  noms d’arbres d’origine celtique qui se sont maintenus jusqu’à nos jours. Pour les détails de l’étymon  gaulois verno-  voir le TLF.  Les représentants de verno- sont encore vivants en gallo-roman au sud d’une ligne qui va de la Vendée aux Vosges, mais des dérivés  et des toponymes prouvent qu’il  a existé également au nord de cette ligne1

De très nombreux toponymes dans le Pégorier.   Le type verna  se trouve surtout à l’est du Rhône.

Dans les  Lectures de l’ALF  2  j’ai trouvé une belle carte qui illustre la ligne qui va « de la Vendée au Vosges! »:

Ligne Vendée - les Vosges

Carte 29 dans Lectures de l'ALF

Le TLF donne l’explication que voici de cette ligne:

le maintien du substrat *verno- dans le domaine d’oc s’explique peut-être par le fait que l’aune, plus fréquent en ce domaine souvent marécageux que dans le nord, a pu y conserver plus facilement sa dénomination primitive.

Mais nous avons vu à plusieurs reprises que des mots occitans se sont maintenus ou ont vécu dans la sud de la France  jusqu’à la ligne qui va de l’embouchure de la Loire jusqu’aux Vosges, et que la Langue d’Oc occupait toute cette partie du gallo-roman.

L’aulne est, avec le saule et certains peupliers, l’une des espèces les mieux adaptées à l’eau. Sur l’image ci-dessous il émerge de l’eau au bord du lac Bobięcińskie Wielkie en Pologne. Ces trois espèces sont aptes à recéper quand elles sont coupées par le castor avec lequel elles ont co-évolué.  (Wikipedia)

verna

verna, vergne

 

 

  1. Le type aulne, aune   qui vient d’un latin alnus contaminé par des formes homophones  franques  issues de alira, alisa ( cf. aulne  TLF). C’est une discussion assez compliquée.
  2. Lectures de l’Atlas linguistique de la France de Gilliéron et Edmont : du temps dans l’espace. Auteur : Dirigé par Guylaine Brun-Trigaud | Yves Le Berre, Jean Le Dû. Genre : Sciences humaines et sociales Editeur : CTHS, Paris, France

Beguda, begude "abreuvoir"

Beguda « boisson, buvette, abreuvoir, coup à boire, toast, auberge au bord d’un route, action de boire » (Alibert),  et aussi un  toponyme très répandu. Il y a déjà 15  Bégudes  dans le Gard.   Le sens de base est bien sûr « abreuvoir » spécialement pour les chevaux, mais la première attestation en ancien occitan est « guinguette ».

L’étymon est le participe passé du verbe bibere « boire ». Dans l’évolution des  verbes qui sont beaucoup utilisés , on constate  souvent de  très nombreuses irrégularités.  Ainsi le participe passé de  beure  « boire » est devenu begut, buguda,  forme qui ensuite a servi comme substantif avec le sens « abreuvoir pour les chevaux »  > « guinguette pour les hommes ».

guinguette

Guinguette Vincent van Gogh

De nos jours il n’y a plus d’abreuvoirs pour les chevaux. Ils sont remplacés par des piscines.

Mas de la Bégude à Sernhac

Ce n’est pas un guinguette à 3K € la semaine.

 

Bounitou et sardina

Français bonite est le nom vernaculaire donné à plusieurs espèces de poissons, cousins des thons, et appartenant à la famille des Scombridae.

Les gourmets considèrent la bonite comme le meilleur de tous les thonidés, supérieur au thon et à tous les autres, d’ailleurs le terme dérive de l’italien bonito qui lui-même dériverait du latin bonus qui signifie « bon ». Il est parvenu aux français via le sud est de la France, du Languedoc-Roussillon où on l’appelle Bounitou, de la Provence, Bounicou, Boussicou ou Palamida. (Wikipedia).

Pour le TLF l‘origine est espagnole, qui l’a prêté par une lettre à l’italien, qui l’a fait passer au languedocien pour enfin arriver en français.

Pour dire la vérité ce genre de « recherches » étymologiques ne m’intéresse pas du tout. L’auteur de l’article du TLF non plus; il donne comme étymon latin bonnus qui n’existe pas.  D’ailleurs, je ne suis pas convaincu. Pour que des Italiens 1  ou des Languedociens appellent le meilleur de tous les thonidés  bounitou, ils n’attendent pas le XVIe siècle et la parole des Espagnols.

bounito ou palamys sarda

Sardina du latin sardina « clupea sardina » est un dérivé de sarda un emprunt au grec sarda « sorte de thon pêché autour de Sardaigne ».

En ancien occitan sarda est le nom d’un « poisson du genre scombre, sardine, clupea pilchardus » (1153-15e s.), passé en français au XIIIe s.  TLF : Poisson de la famille des Scombridés appelé aussi bonite ou pélamide.

 

  1. D’après le LEI , Bd. 6, Sp. 1047, les attestations de bounitou viennent surtout de la Ligurie, qui voisine avec la Provence; l’italien présente la forme  bonita

Roumégo "ronce" et ronçar "lancer&q...

Roumegá,  romega « couper des ronces »  (sur roumega fig. « maugréer, râler » voir cet article  ce n’est pas la même histoire!), rouméco s.f. « ogre dont les nourrices font peur aux enfants » (S), Alès « être fantastique malfaisant, personnifiant le remords », dans le Bouche-du-Rhône raumeco (M) .

Dans le FEW je trouve d’autres dérivés: Alès s’enrounza « se prendre dans les ronces » à Castres idem + s’enroumega. (Mistral) et pour le Gard arrounzi adj. « plein de ronces ».

L’origine de cette famille de mots est le latin rumicem « forme de lancet ».  Déjà en latin rumex désignait « l’oseille »à cause de  la forme de ses feuilles.  Au Ve siècle on trouve également le sens « ronce » également à cause de la forme des feuilles.

                             

                               Oseille                 ronce

Dans le Gard rúmex a abouti à róumi (M), Alès, Nîmes aroundze, Cevennes rounze, Gard arrounzi adj. « plein de ronces »(M), Alès rounzas « broussailles de ronces ».

Le substantif rúmex « forme de lancet » n’a survécu nulle part, mais un verbe ronsar « jeter, lancer, renverser,bousculer » existe en occitan depuis le XIIe siècle. En occitan moderne nous trouvons  à Alès et  Toulouse rounsá « jeter », Alès rounsado « agression, rossée », languedocien ronçar et ronzar « jeter » (Alibert ), en corse arrunzà « pousser, jeter de côté ».

Dans tout le domaine occitan existent  aussi des formes avec un déplacement de l’accent :  rúmicem > rumícem, ce qui a abouti à roumego, roumec « ronce » et au figuré rouméco  qui est un « ogre dont les nourrices font peur aux enfants ».

De la forme rumícem est dérivé le verbe romegar « couper des ronces », (que Alibert donne comme languedocien mais dont je n’ai pas trouvé d’autres attestations), béarnais arroumega « se prendre dans les ronces » , Grasse romeguié « haie de ronces » (Thesoc).