Turro, turras « motte de terre ». Dans quelques endroits c’est aussi la « souche d’un arbrisseau ». Alibert distingue la turra « motte » et turras « grande motte ».
Raymond Jourdan de Montagnac, viticulteur, écrit:
Après avoir brisé les mottes « turras« , on passe la herse « rascle » et derrière une planche pour niveler le sol pour pouvoir tracer le rayonnage….
Le mot turra, turro est tellement ancien que les étymologistes ne sont pas d’accord sur son origine. Meyer-Lübke a proposé une racine *turra « éminence, talus » , d’origine gauloise, qu’on retrouve dans d’autres langues celtiques comme le cymrique1 twrr « tas », l’irlandais torrain « j’entasse » et le breton tur « taupinée ».
Paul Aebischer 2 propose une racine pré-indo-européenne *taur, en rapport avec le languedocien tourel « monticule » et le nom de la chaîne de montagnes turques Taurus, Dans la bouche des Gaulois cette racine serait devenue *teur, *taur ou *tur. Voir l’article de Julio C. Suarez qui cite de nombreux toponymes Turón en Espagne. Von Wartburg (FEW XIII/2, 434b) y oppose que le latin torus « toute espèce d’objet qui fait saillie; éminence » convient parfaitement pour les nombreuses formes et significations qui existent dans les parlers issus du latin.
Dans beaucoup d’endroits, les mots issus de la racine *turra et ceux issus de torus vivent en cohabitation. La difficulté de l’étymologie est surtout d’ordre phonétique. Le -u- , prononcé ü, ne provient régulièrement que d’un – ū –, prononcé -ou- long, latin. Nous avons donc affaire à deux familles différentes, même si les significations et les localisations sont très proches.
Turro « motte de terre » et ses dérivés se trouvent en languedocien et en gascon. Esturrassà « émotter, assommer; herser ». Dans le Val d’Aran et à Arrens (Htes-Pyr) une motte de terre s’appelle turrok.
Dans ses cahiers de souvenirs, mon père raconte les « picoureillos » (chapardage des cerises) au cours desquelles, avec ses copains d’aventure, ils pratiquaient la « turrado » qu’il définit ainsi : « Turrado : occitan, de turro = motte de terre. Action de jeter des mottes de terre dans les bagarres entre gosses, mais souvent la motte était remplacée par des cailloux. Aussi utilisée, cette turrado, pour savoir s’il y avait quelqu’un près du cerisier en bombardant cet arbre de mottes de terre avant le chapardage.