Magnan (forme adopté par le français TLF), magna, magnaou « ver à soie »; magnaghié ou magnassié « ouvrier chargé de l’éducation des vers à soie » (S). L’abbé de Sauvages ajoute qu’il préfère pour le français le mot magnaguier à nourrissier « parce qu’il est plus expressif et déjà reçu à Alais, un des centres où l’on entend le mieux cette éducation ».
Magnanerie (TLF), magnaghieiro (S) n’est pas seulement le bâtiment ou le local mais aussi « la construction des pieds droits & des tables sur lesquelles on place ces insectes ». (Ce dernier sens n’est pas mentionné dans le TLF qui ajoute pour le sg. le sens « sériciculture »). Pour l’abbé de Sauvages le mot magnagerie est le mot languedocien pour ‘l’art d’élever les vers à soie » et il mentionne comme mot français, inventé un siècle plutôt, la serodocimasie qui n’a pas pu s’imposer depuis.
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Déjà en 1756 l’abbé de Sauvages a écrit que le mot magna, magnaou vient de l’italien mignato. En 1898, C.Nigra suivi par Sainéan et d’autres, a repris cette étymologie, probablement sans connaître le dictionnaire de notre cher abbé. D’après eux l’origine serait magnatto « ver à soie » des dialectes du nord de l’Italie ou du mot italien mignatta « sangsue ». Les deux mots remontent à une racine miñ- qui est à l’origine des noms du chat. A l’appui de cette hypothèse il cite les dénominations de la chenille issues de mots désignant le chat, telles que en Italie du Nord gat(t)a, gattina, gattola, ancien français chatte-peleuse, anglais caterpillar, et français chenille.
Je pense que les images suivantes montrent clairement que l’association ver à soie /chat, chaton est directe et n’a rien à voir avec la chenille.
chatons cocons de vers à soie chenille
Une autre proposition vient de Gamillscheg qui rattache magnan directement à l’italien magnatto « ver à soie » (que je n’ai pas pu retrouver avec ce sens précis) d’où le français maignat, magniaux du XVIe siècle, transformé en magna par étymologie populaire, association à magnar « manger », parce que le ver à soie mange énormément de feuilles de mûrier. En tout cas j’ai trouvé dans un lexique du patois de Venise un magnat(t)o participe passé de magnare « manger »: « Anke io ho magnatto la carbonara ieri sera!! » Il semble que le verbe magnare signifie justement ‘manger beaucoup’! : Magnare a ufo est Mangiare ingordamente ; Magnare anca le broze de San Roco est Mangiare in modo insaziabile, consumare tutto ; Magnare fora tuto est Dilapidare ogni sostanza, consumare.
Dans la première édition de son dictionnaire de 1756, l’abbé de Sauvages donne une liste de mots languedociens qui se rapportent à la sériciculture. Si cela vous intéresse, vous pouvez les voir en cliquant p.Sauvages 286, p.Sauvages 287, pSauvages 288 (avec Adobe Reader . Si non téléchargez-le!).
L’abbé était un fin connaisseur de la sériciculture. Il a fait beaucoup de recherches à ce sujet pour aider les Cévenols. Voir à ce propos ma page Sources, liens s.v.Sauvages. Il avait entendu parler du magnifique ouvrage de Anna Maria Sibylla Merian, 1647-1717 sur les insectes de Suriname, (Voir Wikipedia), dont il y a deux exemplaires à la bibliothèque nationale et dont vous pouvez voir les illustrations grâce à la bibliothèque d’Amsterdam, qui a fait un très beau travail de numérisations. Magnez-vous!! C’est magnifique. En très haute résolution. Une petite aide pour comprendre le néerlandais : beeld « image », beschrijving « description », terug « retour », vorige « précédent », volgende « suivant ».
Tous les dessins de Merian sont coloriés à la main ! Un dessin superbe intitulé metamorphosis sur votre écran, en cliqant ici.
Une page intéressante sur la magnanerie dans le Roussillon, spécialement à Cattlà.
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peut on avoir les sources des photos ?