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Amarinier, amarino

Amarinier s.m. « (souche d’- ) osier », amarina « osier ». Du latin amerina « osier  » un adjectif formé sur le nom de la ville Ameria (maintenant Amelia) en Ombrie,  à une centaine de km au nord de Rome.

Cela me laisse pantois, qu’un mot bien connu des Romains  et attesté chez Virgile, Pline etc.,  survit uniquement dans un grand domaine du sud-est du galloroman, de la basse vallée du Saône jusqu’à la mer.    Comment est-ce possible? .

Il est attesté en ancien occitan depuis 1204 et il y a de nombreuses attestations dans les parlers modernes. Le remplacement du -e- par -a- s’explique par l’influence du mot amarus « amer », parce que l’écorce des saules contient une substance amère utilisée comme fébrifuge depuis l’antiquité. Ceci  peut expliquer le maintien du mot, mais pas le fait que c’est seulement le cas en Gaule.

Il y a beaucoup de dérivés comme par ex. amarineto « petit brin d’osier », amarinà « assouplir, tordre; amadouer » etc. qui s’expliquent facilement. Pan amarinous  = pain ramolli1.

D’après Pouzolz, le saule s’appelle saouse (du latin salix)  dans le Gard, pourtant dans le Compoix de Valleraugue (1625) c’est amarinier.

          

Au pluriel  amarinos   a pris le sens de « verge, baguette ». En 1347 Jeanne I, reine des deux Siciles et comtesse de la Provence, a voulu régler le problème de la prostitution à  Avignon.  Elle a ordonné que les filles « fautives » soient enfermées dans un genre d’Eroscenter, appelé Bourdeou  et elles devaient  porter une aiguillette rouge sur l’épaule gauche.  (Nos gouvernants du XXIe siècle préfèrent punir les clients.) Au cas où on les trouvait en ville, elles étaient punies avec les amarinos …

Si le texte complet vous intéresse

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  1. Bernard Giély,

Amargan

Amargan « amer »,  en fr.rég. amergan (Lhubac).  Le -e-est dû à l’influence du fr. amer.

Un mot languedocien qui continue une zone ibéro-romane : esp., cat. amargant. Créé à partir du part. présent du verbe latin amaricare « rendre amer » . Italien amaricare.

Amalou, amaluc

Amalou, amaluc s.m. »tête du fémur »

Les mots embaluc, amalu, malu signifient aussi « omoplate, hanche »  et même  » fesses »  (omolu en Ardêche). Dans le Nord Velay existe un dérivé: malhon « tête du fémur ». Le mot ne se trouve qu’en occitan et en catalan maluc « les os qui forment les deux parties du bassin » .

Il vient de l’arabe azmal huqq « cavité articulaire » . La médecine arabe a eu beaucoup d’influence dans l’Occident. Si vous voulez en savoir plus , vous pouvez consulter un des 5580 sites internet ou par exemple; le livre de Danielle Jacquart et Françoise Micheau « La médecine arabe et l’Occident médiéval« .
D’autres mots qui viennent du même étymon : Lozère demolucat « déhanché » ,
Nord Velay s’esmalhonar « se déboîter la tête du fémur, se déhancher », Languedocien (Gard, Hérault), amalugà  « meurtrir de coups » . Dans amalug l’élément mal- a été interprété comme le mot mal « douleur » , ce qui a donné à Alès s’amaluga, à Nîmes « cogner » (Mathon) et en français régional s’amaluguer « se cogner » (Domergue)

marmite

Amalou ou lamalou désigne aussi des « grottes ». L’évolution sémantique « cavité articulaire » > « cavité » > « grotte » ne pose pas de problèmes.
Dans le site de la CLPA je trouve: « Quand il sagit de résurgences ou de cavits s’ouvrant près de sources, de mares ou en bordure de cours d’eau, c’est bien évidemment ces lieux qui ont influencé la toponymie des cavités. Grotte du Lamalou (Brissac, 34) : Le terme de Lamalou désigne partout un cours d’eau ou un lieu proche d’un cours d’eau. Celui-ci était désigné en 1332 comme suit :  » riperia da Amalo ; rivo de Amalo « . Ces noms semblent provenir d’un terme hydronymique incertain lamalo ou amalo d’origine inconnue ce jour. » http://membres.lycos.fr/clpa/etymologie.htm . Dominique Ros le webmaster du site m’a donné les spécifications suivantes: Pour  » rivo de Amal riperia da Amaloo  » en 1332 in « Cartulaire de Maguelonne » publi par J. ROUQUETTE, 6 vol, Montpellier, 1912-1927. J’ai également « Raimundi de Amalo » en 1204 in « Cartulaire du chapitre d’Agde publi par O. TERRIN, Nîmes, 1969 « 

Voir FEW XIX,14

D’autres chercheurs supposent des étymologies celtiques ou prélatines, mais connaissent-ils le mot languedocien amalou et son étymologie ?

Albaran

Albaran s.m. »cédule, quittance ». Un mot que j’ai trouvé dans des textes en ancien languedocien des 14e et 15e s. provenants de Nîmes, Montpellier et Béziers.

Albaran est toujours vivant en catalan: albarà « document que normalment acompanya la mercaderia … etc. » (DE). Emprunté à l’arabe al-bara’a qui désignait « un privilège, un diplôme ou une quittance pour taxes payées ».  Exemple:

Albar

Albar s.m. »peuplier, tremble » au sens propre « peuplier blanc ». Etymologie : latin albāris « blanc », qui en occitan a abouti à trois sens différents:

  • « aubier, la partie tendre et blanchâtre qui est entre l’écorce et le coeur de l’arbre ». Sens qu’on trouve dans l’ouest, Limousin, Agenais, Gascogne.
  • « saule blanc » à l’ouest du Rhône jusqu’en Béarn.
  • « tremble, peuplier blanc » en franco-provençal et en ce qui concerne l’occitan principalement dans les départements de l’Aude et de l’Ariège (Thesoc).

Mme Germi mentionne la forme oubère s.f. pour le Champsaur.

D’après le FEW, l’étymon de cette forme est latin álbarus « populus alba L. » avec un déplacement de l’accent qui semble assez fréquent en occitan pour les proparoxytons.  Cf. Mistral aubrero, aubro, aubrio, ourbrero.

  • Voir Pégorier pour les très nombreux toponymes Aubaredo, Aubarou, Aubrée, etc.

salix alba populus alba

Alarmo

Alarmo s.f. « tocsin » (Mathon). Ce sens est limité à l’occitan. C’est peut-être un emprunt de l’italien all’arme ! « aux armes », mais il est plus probable qu’il a été formé indépendamment.

L‘abbé de Sauvages signale que alarmo! est devenu une interjection de crainte, d’admiration ou d’étonnement,comme ah! mon Dieu!

Voici le résultat de l’oubli de la langue et des traditions occitanes:

Alandà

Alandá v.tr et r. « ouvrir en grand » est attesté des Cévennes gardoises jusqu’aux Pyrénées Orientales. (Thesoc). Avec le sens « brûler’ seulement dans les Cévennes gardoises. Le témoin de St-Hypolite du Fort a ajouté la remarque « brûler rapidement ». L’abbé de Sauvages (S1) donne alandà « étendu ». Dans la deuxième édition, il ajoute l’infinitif  alanda « ouvrir tout à fait une porte, une fenêtre, ouvrir les deux battants. Etaler une marchandise. Lâcher le troupeau. »  Alanda lou fio est « faire brûler le feu ». Ces dernières significations  ont échappé au FEW.

D’après le FEW il faut rattacher ce groupe de mots à un gotique *landa « gros bâton, barre ». A Ossau (Pyr.Atl.) est attesté lande « barre de fer servant à fixer un battant de porte » et dans le Val d’Azun (Htes-Pyr.) landèra « bâton recourbé pour tourner le lait du fromage ». Le sens « ouvrir en grand » s’explique facilement comme « enlever la barre des deux battants ». Pour « lâcher le troupeau » (S2) on le fait également.

« Etaler la marchandise »(S2) est imaginable, mais je ne comprenais pas par quelle évolution sémantique le verbe alanda a pu prendre le sens « brûler » dans les Cévennes.  C’est chez l’abbé de Sauvages que je trouve qu’ alanda lou fio signifie  « faire brûler le feu »  C’est une action que l’on fait avec un bâton ou une barre de fer.

C’est la même barre qu’on enlève pour ouvrir en grand une porte ou faire brûler le feu.

alanda loi fio

Alanda lou fio.                                             La lande tient une porte de garage.

 

Aissada

Aissada s.f. »bèche, houe » d’un latin asciata participe passé du verbe asciare « travailler avec la houe », est attestée en ancien occitan depuis le XIIe siècle, et très répandue dans tout le domaine occitan, en catalan aixada, espagnol azada et portugais enxada, mais ne se trouve pas dans le domaine d’oïl. Les deux mots aissou et aissado cohabitent à Valleraugue et désignent le même outil.
A Trèves (Gard)  aousado a été donné pour « houe triangulaire », comme celui  dans le Musée Cévenol cité sous aissou

Aissou, aissada

Aissou « houe à lame triangulaire » (Taleyrac, commune de Valleraugue, octobre 2004). Le mot le plus répandu est aissada, (ou aissadou à Taleyrac où les deux formes sont utilisées) par exemple dans le site du Musée Cévenol : « Le labourage emploie essentiellement les houes. Celle à lame triangulaire ou aissada est un des outils les plus répandus en pays cévenol, elle permet de retourner la terre, de l’égaliser, d’en briser les mottes, de tracer des raies et former des buttes. » Nîmes eïssade « sarcloir ».

aissada
A droite l’aissou de ma fille à Taleyrac à gauche  celui du musée de St.Jean du Gard.

Les deux mots appartiennent bien sûr à la même famille, dérivés du latin ascia « hache des charpentiers, erminette » et aussi « binette » et « truelle de maçon ».

(On en a trouvé une à Faverges près d’Annecy :

mais les suffixes et les répartitions géographiques de ces deux types ne sont pas identiques. Le type ascia qui a abouti en occitan à aisso « hache des charpentiers, herminette » aisse en ancien français, esse « marteau de couvreur » en français moderne (absent du TLF), et ses dérivés (par exemple ancien occitan aisset « petite hache » et aisela « herminette de tonnelier ») se trouvent dans une aire allant de l’occitan jusque dans le nord-est du domaine d’oïl.
Le FEW suppose que la forme aissou est issue de la forme ascia + one. Elle est limitée à l’occitan et avec le sens « pioche » au provençal et au languedocien. Le mot aissoun est attesté en languedocien avec le sens « pic, pioche, hoyau, houe ». La forme sans -n n’est attestée que dans la région du Mont Aigoual : Valleraugue oysou « outil pour faire des sillons », Camprieux oisou « outil de jardin qui a un tranchant d’un côté pour couper la motte, et de l’autre côté un fer pour arracher », St Hippolyte aïssou « meigle, marre , maille, chèvre » (dans un texte de 1798 avec le verbe aîssounà « labourer avec la meigle » ) et aisou « houe à lame triangulaire ». Dans cette région le chute du -n final est régulière: matin > moti , plein > plé. (Atger).

Commentaires

Bonjour,
mon père, Raymond Jourdan, a travaillé en 1941-42 dans le quartier des Lônes à Carpentras, dans une ferme disposant d’un système d’arrosage connecté avec le canal de Carpentras. Pour ouvrir et fermer les rigoles d’arrosage des parcelles il écrit dans ses cahiers qu’il se servait d’un « issadou », ce qui correspond à « aissadou » de votre article.Chez Mistral, on trouve ce terme issadou dans l’article « eissado », page 851 du trésor du félibrige, avec l’indication (rh) qui signifie expression des bords du rhône.
Cordialement
Gérard Jourdan

J’ai répondu:

L’issado est une houe d’après Mistral. La bonde pour fermer ou ouvrir les rigoles s’appelait esclafidou d’après l’abbé de Sauvages.

Suite ci-dessous.

Aire,airiel

Aire, airiel

‘avec plusieurs membres quarantes deux cannes cinq pans aire airiels trelhatz et pollallier du coté du couchant trente quatre cannes’. (compoix Valleraugue 1625 tome 2 page 26)

Etymologie : latin area « espace libre, sol uni ». Eira ou aira en ancien occitan signifie « lieu vide et libre autour de la maison »        ( XIe siècle) mais déjà à la fin du XIIe aussi « aire à battre le blé ».

Plus tard a été créé le dérivé airée ou ayrie « quantité de gerbes qu’on met en une fois sur l’aire pour la battre », yerado ou eyrado dans le Gard, et naturellement on s’en est servi pour désigner cet espace et le verbe enairá « mettre le blé sur l’aire ».

Dans beaucoup de villages occitans nous trouvons une Rue des Aires ».

La forme airiel, airiel du Compoix n’a été attestée nulle part ailleurs à ce que je sache, mais je pense que le destrador local a voulu bien distinguer la place libre autour de la maison et l’aire à battre le blé.


le cercle est l’aire à battre le blé