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Penche

Penche s.f. « peigne » du latin pecten, pectinis comme en français  peigne, vit et jouit d’une belle santé dans toutes les langues romanes.

Le latin pecten comprenait dans son champ de signification diverses figures du peigne, librement déclinées au regard de l’analogie de forme :

  • 1. carde; râteau; plectre de lyre (conservé en italien pettine).
  • 2. peigne de mer (mollusque bivalve comme la coquille St-Jacques).
  • 3. poils du pubis, l’os du pubis ;
  • 4.veines du bois;
  • 5. peigne de Vénus (plante);
  • 6. disposition en forme de peigne , les doigts entrecroisés,   danse où les danseurs s’entrecroisent. (Gaffiot).

Vers  l’an 700  apparaît un mot nouveau, dérivé de pecten : pectinalis « os du pubis », ou « mons Veneris » qui est conservé dans les parlers du sud de l’Italie, par exemple à Naples pettenale.
Plus tard apparaît un autre diminutif  dérivé de  pecten :   pectiniculum, qui a donné en ancien français pénil, poinil, pignil, espanil : « éminence située au-devant du pubis et se couvrant de poils à la puberté »(TLF s.v. pénil), en ancien occitan penchenil, conservé en marseillais moderne penieou (FEW).
De pectinulum sont issues deux lignées, l’une populaire et l’autre savante. Dans la lignée populaire on trouve l’espagnol pendejo ( avec influence de pender), qui signifie 1. m. Pelo que nace en el pubis y en las ingles. 2. m. coloq. Hombre cobarde y pusilánime.3. m. coloq. Hombre tonto, estúpido »  et autres joyeusetés plus ou moins péjoratives. Voir le Dictionnaire de la Real Academia Espanola . Le penchenilh, « pauvre hère » attesté à Béziers (FEW), témoigne de la même évolution indépendante en languedocien, mais les attestations sont rares.  Il n’est pas impossible, comme me suggère un visiteur, que le sens péjoratif de penchenilh  est né directement de l’expression mau penchina « mal coiffé, ou plus généralement de mauvaise allure ».

C’est dans l’histoire de l’art que le pecten latin a connu son évolution savante. Les hommes cultivés de la Renaissance connaissent très bien leur latin, langue internationale et idiome de la culture ; ils ont lu Ovide et Pline. Quand un Sandro Botticelli veut peindre la naissance d’Aphrodite/Vénus avec la pudeur requise, il est obligé de cacher son pecten, mais, même si la nature aime à se cacher, le naturel, ici comme ailleurs, saute aux yeux :

Suis-je visionnaire quand je trouve des pecten dans la Primavera de Botticelli ?

Il n’y a pas de coquille Saint-Jacques. Mais…En regardant de plus près les trois Grâces, on voit un pecten… figuré par les doigts entrecroisés en forme de peigne (Gaffiot 6) .

   

Comme j’aime beaucoup RE-découvrir le symbolisme qui se cache dans l’art ancien, j’ai plaisir de  noter aussi la présence des perles dans la chevelure de l’une des trois Grâces. Née dans une coquille un pecten, la perle représente le principe Yin : elle est le symbole essentiel de la féminité créatrice. En grec, en latin et  en occitan, on la nommait jadis margarita, c’est pourquoi, conformément à ce qui se dit aujourd’hui encore, on se gardera de « jeter des marguerites aux pourceaux ».(Cf. margot).  Blason de la féminité oblige, il n’est pas étonnant de trouver des marguerites dans la chevelure de la Primavera :

Penchenilh « pauvre hère » du latin *pectiniculum « petit peigne ».

Pecaire, peuchère

Pecaire, pécaïre(Lhubac), peuchère vient du latin  peccator ‘pécheur’, mot formé à l’époque de Tertullian (155-230) à partir du verbe latin classique peccare ‘faillir’.

Déjà l’ancien français  avait emprunté le mot pechaire ‘malheureux’ (Marcabru, 1110-1150) à l’ancien occitan: : pechiere ‘interjection marquant la compassion’ (XIIIe s.)

Marcabru, V/30

Tel pense bien être le gardien de sa femme,
et le larron de celle d’autrui;
mais elle agit de même
à l’égard de celui qui la convoite.
Si l’un muse, l’autre baille,
et moi, j’en suis malheureux en le disant.

Ensuite, au cours des siècles, on trouve la forme occitane de cette interjection dans la langue d’oïl, et inversément! Notre femme de ménage dit régulièrement peichère, peuchère! quand elle a cassé quelque chose. Et Beaumarchais, dans le Mariage de Figaro, acte II, scène 20, utilise la forme occitane:

FIGARO, bas à Suzanne. – Je l’avertis de son danger; c’est tout ce qu’un honnête homme peut faire.
SUZANNE, bas. – As-tu vu le petit page?
FIGARO, bas. – Encore tout froissé.
SUZANNE, bas. – Ah, pécaïre!

Nous le retrouvons même dans le TLF: PEUCHÈRE, PECHÈRE, PÉCHÈRE, interj. Pécaïre, pécaïré
Région. (Provence). [Exclam. traduisant la surprise, l’attendrissement, l’admiration ou la pitié.] Il semble que la forme occitane a eu beaucoup de succès au XIXe siècle grâce à la popularité d’Alphonse Daudet, mais qu’actuellement c’est surtout un mot du Midi.

La  notion « péché »  a pris le sens de « dommage » aussi dans d’autres langues européennes et sont devenus des interjections : italien : peccato, un dictionnairedonne l’exemple : 3 (fig.) fatto, situazione inopportuni, incresciosi, deplorevoli: è un peccato che non sia potuto venire; che peccato perdere una simile occasione! | anche ellit.: peccato (che) non si riesca a fare in tempo!; « Non verrà » « Peccato! ». En  allemand dans la formule : sünde und schade ‘dommage’;en  néerlandais: zonde! ‘dommage !

an pèbre

 qui date de l’an pèbre  « très vieux » voir pebre

Pastenaga

Pastenaga « carotte ».  En ancien occitan comme en occitan moderne pastenaga signifie «carotte»; le mot a été emprunté au latin pastinaca « panais, carotte ». Cf. Wikipedia panais  « pastinaca sativa ». (FEW t.7, p.756a)

Le mot gallo-roman s’est répandu dans toute l’Europe sous des formes plus ou moins savantes, p.ex. néerlandais pastinaak, pastenaak, allemand Pastenach.

Paissel, pansel

paissel, pansel « échalas » cf. passièra 

Passièra, pansièire

Passièra « barrage de rivière, digue; chaussée d’un moulin; écluse, réservoir à poissons; (meule de moulin à huile , Cévennes ?) » (Alibert). Pansieire à Valleraugue (Gard) est  attesté en 2013 par mon petit-fils Aymerik, originaire du village. Voici une photo de la pansiere du pre du Rouve à Taleyrac,Valleraugue:

Etymologie: le latin paxillus « échalas » est devenu paxellus  et  paxillus.  Paxellus, un dérivé de palus « pieu »,  est conservé en  ancien français paisseau « échalas », en occitan paissel, à Alès pansel, mais pas en provençal, en tout cas je ne l’ai pas trouvé dans le Trésor de Mistral.  Paisieyre est la forme du Compoix de Valleraugue.

Quand on met une série d’échalas les uns contre les autres dans une rivière, on obtient une paxaria > paisièra « petit barrage dans un cours d’eau » attestée en occitan depuis le XIIe siècle.   Le sens précis s’adapte bien sûr au terrain, tantôt un petit barrage, tantôt un canal d’arrosage, une digue etc.

Une paisieyre à Valleraugue

Il y a quelques attestations en occitan de pax avec un troisième suffixe : + one > paison « pieu, poteau », comme béarnais paxou « piquet ».

Parran, parragine

Parran s.f., est attesté dans le Compoix de Valleraugue , mais uniquement comme nom de lieu : La parran de serre (T.1-29).

Etymologie : parran fait partie d’une famille de mots dont la racine *parra « barre » n’est pas attestée en latin, mais le  dérivé parricus « parc » à l’origine « enclos » est très répandu. La racine *parra est attestée à Camarès (Aveyron) : parro s.f. « pièce de terre de première valeur située près de la maison ».

Une forme parragine doit être à l’origine de parran s.f. « jardin près d’une maison, entouré d’une clôture » attesté en languedocien depuis le XIIe siècle. Parragine a dû exister aussi en provençal, puisque elle apparaît dans un texte provenant d’ Apt daté de 1040 : cum ortis et parraginis « avec des jardins et des enclos ».  Dans les différentes significations occitanes et ibero-romanes il y a toujours l’élément « barre » ou « enclos » : par ex.  espagnol parral « treille ».

Très proche aussi est le mot marseillais parriero « outil de bois ou de fer pour déboucher le trou par lequel la matière fondue doit couler ».

Ci-dessous les Parrans dans le Gard.

       

Parpalhejar

Parpalhejar « papilloter en parlant des yeux » parpaléger en français régional, est dérivé du latin papilio « papillon ». Michel Bendon donne pour Montélimar: « parpeiller : « cligner des yeux » et Parpeilles nf : paupières .

Voir l’article parpalhon.

Parpalhon

Parpalhon « papillon », représente le latin papilionem. La forme avec insertion d’un -r- occupe un large territoire qui relie le nord de l’Italie, le catalan et le galloroman  jusqu’à la Loire.  Le mot a été prêté au français  où parpaillaud désigne  les  « huguenots, calvinistes » par allusion à une espèce de chemise dont les protestants firent usage en Gascogne, dans une sortie, pendant le siège de Nérac (en 1620). Pierre Larousse consacre plusieurs colonnes à cette étymologie  et énumère les différentes propositions, tout en concluant :

« L’étymologie tirée de parpaillot « papillon » est la plus plausible et paraît avoir été adoptée très anciennement, témoin cette chanson poitevine, contemporaine des guerres de religion :

Qu’ils sont gens de peu de cervelle
Ces malotrus de parpaillaux,
De se brûler à la chandelle
Après qu’ils ont fait tant de maux!

Pour les intéressés, je joins la page concernée de l’Encyclopédie de Pierre Larousse en format PDF

Un visiteur me signale une réinterprétation populaire: « Selon un ami protestant des Cevennes, on appelait les protestants « parpaillous » parce qu’ils se réunissaient la nuit comme les papillons de nuit. ».

Honorat donne dans son dictionnaire une troisième variante, que vous pouvez lire dans le site de Georges Mathon,Parpaillot

A Barre en Cévennes (Lozère) lou parpalhou est le « billet de banque » ( comme en français le papillon qu’il faut joindre au règlement de certaines factures). Dans le Gard le même mot désigne le « grimpereau de murailles » d’après Rolland, Faune. Le grimpereau est un tout petit oiseau constamment en mouvement..


Deux parpalhous Un visiteur me signale que celui de gauche est un grimpereau des jardins et celui de droite un grimpereau des murailles.

Panisso, panisse

Panisso. Dans tous les sites que j’ai consultés j’ai trouvé la définition suivante: « la Panisse est une spécialité marseillaise à base de farine de pois chiche. » Le pois chiche (Cicer arietinum) est une plante de la famille des Fabacées (ou légumineuses)(Wikipedia). Le pois chiche est cultivé dans les régions méditerranéennes; il est donc normal qu’on trouve des préparations à base de farine de pois chiches tout autour de la Méditerranée. A Nice la socca (étymologie inconnue; recette ici) est favori, en Ligurie la socca, en Sicile la panella (la recette ici) , à Gênes la fainâ de çeixai, etc. (Socca)

  
cicer arietinum

La panisse marseillaise est très bonne mais la récupération de cette spécialité par les Marseillais est un peu abusive. Mistral nous renseigne :

panisso « espèce de farine de pois chiches et de maïs dont les Génois pauvres se régalent, voir cruchado, poulènto; lâche, personne molle, à Nice. » Il donne l’exemple : A Marsilho vèndon de panisso, qu’il traduit : à Marseille on vend de la panisso.

Il s’agit donc d’une recette et d’un mot importés de Gênes. Mistral cite le mot italien paniccia  dans la forme et le sens spécifique de la Ligurie: Panissa « Polenta di farina di ceci. » (Source). D’ailleurs dans un site italien je lis : La panissa è uno dei piatti più tipici della tradizione genovese.

Casaccia Giovanni dans le Dizionario genovese italiano, Genova 1876, distingue deux prononciations différentes, et le premier comme subst. féminin, le second comme masculin. Les deux  ont été réunis dans un seul panisso par Mistral (ci-dessus):

Plusieurs réactions m’ont amené à regarder de plus près cette histoire. Voici le résultat: En ce qui concerne l’étymologie de panisso, c’est une homonymie qui m’a incité à en parler. Le latin panicium « millet » a donné en ancien occitan panitz, panis, en occitan moderne panis toujours avec le sens « setaria italica, sorte de millet ». En provençal a été formé un dérivé féminin panisso « sorte de millet », panissa à Nice, panisso dans la Vaucluse, (Mistral), à Marseille (Avril), et à Aix (Pellas), toujours avec le sens »millet » comme   panissa  en piémontais. Voir l’article panis

La première attestation de la panisse typique de Marseille est de 1839 dans le dictionnaire d’Avril, qui la définit ainsi :

« gateau de farine de maïs ou de pois chiches que font les Gênois résidant à Marseille et qu’ils vendent sur le cours ».

Il me semble que les Gênois ont vendu leur panissa avec une prononciation  gênoise : panissa, devenue panisse en français régional.

Italien paniccia est defini comme :  » farinata s. f., in alcune regioni italiane, minestra a base di farina di grano o di granturco; in Liguria, focaccia a base di farina di ceci. » D’après le FEW cette panisse marseillaise et  les mots du Nord de l’Italie qui désignent une minestra ou une boullie à base de farine de pois, de maïs , etc. seraient des dérivés de panis « pain ».  D’autre part la panisse « bouillie à base de millet »  viendrait du  latin panicium , de la panisse « bouillie à base de pois chiches » .  Je ne crois pas qu’on puisse les séparer.

Italien: paniccia s. f. 1 (tosc.) farinata | (estens.) poltiglia; fare paniccia di qualcuno, di qualcosa, (fig.) massacrare di botte qualcuno.

Toponymie.Le nom de lieu Panissière « champ semé de panis » doit être assez fréquent, en tout cas il y en quatre dans le Gard, dont un à Manduel :